Le problème, c’est la solution » et autres idées phares de Paul Watzlawick
Paul Watzlawick (1921-2007) était un psychologue, théoricien de la communication et philosophe autrichien-américain. Il est l’un des contributeurs majeurs de l’École de Palo Alto, un courant de pensée ayant révolutionné l’approche des « problèmes humains ». Ses travaux sur la pragmatique de la communication humaine ont inspiré le courant de pensée systémique. Auteur de nombreux ouvrages sur le changement, la communication et leurs applications thérapeutiques et sociales, il a également écrit 2 ouvrages plus humoristiques et a enseigné à l’université de Stanford en Californie.
« Le problème, c’est la solution » où comment trouver une issue positive aux schémas douloureux qui se répètent
“Le problème, c’est la solution” est une phrase de Paul Watzlawick qui résume magistralement l’approche interactionnelle. D’après Paul Watzlawick et l’équipe de chercheurs avec qui il a travaillé à Palo Alto, les problèmes humains, lorsqu’ils perdurent, sont le résultat de tentatives de solution qui ont échoué. Les personnes continuent à utiliser les mêmes stratégies, des comportements similaires et les mêmes schémas de pensée, même s’ils ne fonctionnent pas, car souvent cela leur semble la seule réponse possible, la seule logique raisonnable dans leur situation.
Cela crée un cercle vicieux où “plus ça change, plus c’est la même chose”.
Pour sortir de ce cercle vicieux, Paul Watzlawick, et nous à sa suite, propose d’arrêter de faire « plus de la même chose qui ne fonctionne pas ». Et ce faisant, nous augmentons nos chances d’obtenir un résultat différent. Cela suppose d’être prêts à essayer de nouvelles approches et à abandonner les anciennes qui ne fonctionnent pas. Parfois, essayer quelque chose de radicalement différent pourra nous sembler facile, car nous aimons explorer des choses nouvelles. Souvent cela pourra sembler plus difficile, car cela implique de prendre du recul, de sortir de ce que l’on croit savoir et de prendre des risques. Heureusement l’approche systémique de Palo Alto est un guide pour explorer de nouvelles solutions et provoquer les changements recherchés.
Citation « Aussi audacieux soit-il d’explorer l’inconnu, il l’est plus encore de remettre le connu en question. » KASPAR cité dans l’ouvrage P.Watzlawick, J Weakland et R Fish, Changements : paradoxes et psychothéraphie, Le Seuil, 1975, collection Points, 1981
Cinq axiomes de la communication pragmatique selon Paul Watzlawick
Un autre apport majeur de Paul Watzlawick est détaillé dans l’ouvrage Une logique de la communication, coécrit avec ses collègues du Mental Research Institute de Palo Alto. L’équipe de chercheurs a proposé cinq axiomes fondamentaux qui sont essentiels pour caractériser une communication entre les individus ou au sein d’un groupe de personnes :
1) On ne peut pas ne pas communiquer
D’après Watzlawick, toute interaction comporte une communication, même le silence ou l’absence de réponse. Il n’y a pas de « non-communication ». Cela signifie que nous sommes constamment en train de communiquer des messages, verbaux ou non-verbaux, consciemment ou non-consciemment. Son corollaire : dans une relation, on ne peut pas ne pas influencer.
Application en entreprise : observez les réactions non-verbales de vos collègues en réunion, en Comex ou en Codir, en entretien. Observez votre interlocuteur lorsque vous évoquez un sujet délicat. Ces réactions sont riches d’informations, elles vous influencent en retour.
2) « La communication humaine implique à la fois des modalités digitales et analogiques » :
La communication englobe à la fois des signes verbaux (digitales) et non verbaux (analogiques). Le mode verbal (ou digital) est basé sur les signes verbaux, comme les mots, les chiffres, les symboles. Le mode non-verbal est basé sur les signes non verbaux, comme les gestes, les expressions, les intonations. Ce mode non-verbal est plus riche mais plus ambigu que le mode verbal. Les signaux non verbaux jouent un rôle important dans la transmission de sens au sein d’une relation.
Exemple en entreprise : En réunion à l’évocation d’un sujet délicat, votre collègue change de position sur sa chaise, croise les jambes, se penche en arrière, passe la main sur son visage, regarde le plafond ? Même si la personne ne prononce aucun son, ce que l’on appelle aussi le « body language » est aussi une communication d’informations !
3) La ponctuation des séquences interactionnelles
Watzlawick a montré que dans toute interaction, les personnes « ponctuent » la séquence d’événements de façon subjective. Chacun croit que son propre comportement est une réaction au comportement de l’autre qui en serait donc « la cause ». Cette ponctuation influence la compréhension qu’on a de la situation et des comportements d’autrui. Dès lors, des malentendus peuvent survenir quand les ponctuations diffèrent.
Application en entreprise : Ainsi un manager dira « je dois être présent, le petit nouveau n’a pas l’air très à l’aise » tandis que la nouvelle recrue à propos de son manager « il est toujours sur mon dos, il ne me fait pas confiance ! » Les échanges répétés sont circulaires, et l’on gagne à considérer les boucles dans leur ensemble en s’intéressant à l’ « effet » de son comportement sur l’autre, plutôt que de rechercher une « cause ». Enfin, considérer les échanges répétés non pas sous forme d’une ponctuation unique mais dans leur enchainement circulaire : « ce que l’autre fait, ma réaction, son effet sur l’autre, ma réaction en retour ».
- « Chaque communication a un contenu et un aspect relationnel » : La communication comprend à la fois le sens littéral des mots (contenu) et des informations supplémentaires sur la façon dont l’orateur souhaite être compris et sa relation avec le destinataire (relation). Comprendre ces deux aspects est crucial pour une communication efficace. La relation influence le contenu et vice versa.
Application en entreprise : une simple question « Voulez-vous prendre un café avec moi ? » d’aura pas le même sens pour vous si c’est votre CEO avec qui vous vous entendez bien, votre collègue de qui vous vous méfiez, ou un inconnu dans la rue qui vous pose la question : la relation déjà instaurée entre vous est déterminante pour comprendre le contenu échangé.
- La communication est soit symétrique, soit complémentaire » : La communication peut être symétrique (basée sur un pouvoir, une compétence, une autorité égale ou similaire) ou complémentaire (basée sur des différences de pouvoir, de compétence, d’autorité, de hiérarchie entre les interlocuteurs). Les échanges peuvent trouver un équilibre, mais peuvent aussi se dégrader si la relation symétrique ou complémentaire se rigidifie. Dans une relation de type symétrique, les 2 personnes se sentent d’égal à égal et peuvent réagir en miroir l’une de l’autre, avec le risque d’escalade symétrique. Dans une relation complémentaire, on dira qu’une personne est en « position haute » et l’autre en « position basse » ce qui peut tout à fait être vécu de façon positive si chacun accepte et reconnaît la différence de pouvoir, de compétence ou d’autorité, avec le risque de soumission si ces différences ne sont pas acceptées ou deviennent rigides.
Application en entreprise : Ainsi la relation peut être de type symétrique entre 2 managers ou 2 experts qui reconnaissent mutuellement leurs compétences.
Un manager et son collaborateur pourront être dans une relation complémentaire. Toutefois, contrairement à ce que l’on pourrait penser, le manager n’a pas intérêt à se définir et à rester dans une position « haute » en permanence. En reconnaissant par exemple l’expertise de son collaborateur, le manager se place en « position basse » et met son collaborateur en « position haute », ce qui a une vertu de rééquilibrage tout à fait bienvenue en ces temps où une hiérarchie rigide est de moins en moins acceptée d’emblée par les nouvelles recrues.
« De toutes les illusions, la plus périlleuse consiste à penser qu’il n’existe qu’une seule réalité. En fait ce qui existe, ce ne sont que différentes versions de celle-ci dont certaines peuvent être contradictoires, et qui sont toutes des effets de la communication, non le reflet de vérités objectives et éternelles. » In La réalité de la réalité
Pour aller + loin : D. JACKSON, Paul WATZLAWICK et Janet H. BEAVIN, Une logique de la communication, Points Seuil, 1967